Rubens Barrichello, le premier des numéros 2

Souvent qualifié comme le meilleur des coéquipiers de par sa dévotion pour son équipe, Rubens Barrichello restera à jamais dans l’histoire de la Formule 1. Né le 23 mai 1972 à Sao Paulo, le Brésilien détient actuellement le plus grand nombre de départs en F1 (323 à son compteur). Retour sur la carrière riche du Brésilien, souvent dans l’ombre de ses coéquipiers.

Rubens Barrichello lors de son passage chez Stewart. C'est dans ces années là que le Brésilien laissera une forte impression sur le reste de la grille, ce qui lui permettra de rejoindre la Scuderia dès 2000.
Barrichello sous la pluie, une de ses spécialités (©Reddit u/TheRealJuralumin)

D’où viens-tu, Rubens?

Barrichello commence dès le plus jeune âge en karting et remporte de nombreuses compétitions. À 18 ans, il rejoint le championnat de F3 Britannique, où il va s’imposer en tant que rookie dans une saison relevée (il était déjà opposé à un certain David Coulthard). Ses résultats en F3000 impressionnent également : il est repéré par de nombreux sponsors, qui vont lui permettre d’atteindre le Graal en 1993. Il fait ses premiers pas dans la catégorie reine chez Jordan, qui est en recherche de stabilité. L’écurie fait de Barrichello son pilier pour se relancer, mais le Brésilien doit faire face à une situation particulière où il connaîtra cinq coéquipiers différents. Loin d’être idéal pour un débutant, mais Rubinho s’en tire bien pour une première saison où il est livré à lui même, avec une équipe Jordan qui semble désorganisée. Le Brésilien empochera deux points avec une honorable cinquième place à Suzuka en fin de saison, démontrant notamment sa capacité à développer une voiture. Le reste du paddock le considèrera comme la révélation de la saison.

« Il m’a donné quelques conseils. Il est venu une fois une fois à Kyalami, pour ma première course en 1993, dans le garage Jordan, pour m’offrir quelques conseils. Je n’avais pas pu en croire mes yeux. Et il m’a dit : ‘Bienvenue, et si tu as besoin de quelque chose, je serai là pour toi.’ Des petits mots, mais qui ont eu un grand impact« 

Rubens Barrichello sur sa relation avec Ayrton Senna

Pour les saisons 1994 et 1995, Barrichello est associé à Eddie Irvine. Les deux hommes sont très différents de tempérament mais réussissent à coopérer. En effet, Barrichello commence sur les chapeaux de roues en signant une quatrième place lors du Grand Prix d’ouverture au Brésil, devant le public de sa ville, puis signe son premier podium dans la foulée avec une troisième position au Grand Prix du Pacifique, disputé à Okayama. Son violent accident à Imola, le même week-end que les morts de Roland Ratzenberger et Ayrton Senna, ne calmera pas ses ardeurs. Rubens déclarait d’ailleurs : « J’ai été très chanceux toute ma vie. Je ne me rappelle pas du crash de Roland, les sentiments qui étaient ressentis par le paddock ce jour-là. Je ne m’en souviens pas, et je pense que c’est une bonne chose« . Avec une première pole position acquise à Spa, Barrichello est alors à l’époque le plus jeune poleman de l’histoire de la Formule 1. Il impressionne avec des résultats constants et une régularité édifiante pour son jeune âge. En 1995, l’équipe fait toujours partie des forces solides du milieu de tableau, et signe un double podium avec Barrichello P2 et Irvine P3 au Canada. Mais la pression monte pour Rubinho, qui est vu par beaucoup comme le successeur d’Ayrton Senna, dont l’accident est encore dans toutes les têtes. Le Brésilien va perdre le fil de la saison. Bien qu’il termine devant son coéquipier au championnat pilote pour la deuxième année consécutive, c’est bel et bien l’Irlandais qui lui dérobe la place pour aller chez Ferrari en 1996, afin d’épauler le double champion du monde Michael Schumacher.

Le duo Schumacher - Barrichello restera l'un des plus mythiques de l'histoire de la F1. Mais le Brésilien ne s'attendait certainement pas à jouer les seconds rôles durant une bonne partie de sa carrière.
Barrichello devant Schumacher, son prochain gourou (©DR)

Une nouvelle fois, Barrichello se montre toujours rapide, mais trop inconstant sur une saison. Malgré une belle 8ème place au championnat pilote (devant son coéquipier Martin Brundle et même devant Irvine chez Ferrari), il sent que le vent tourne et qu’Eddie Jordan ne compte plus sur lui. Il pense un temps se diriger vers le CART, mais un coup de fil de Jackie Stewart va tout changer. En effet, le Brésilien est embauché par l’ancien champion du monde pour la première saison de son écurie en F1. Malheureusement, la voiture est un désastre en terme de fiabilité, et le Brésilien est contraint à l’abandon à 14 reprises lors des 17 courses. Cependant, il brillera à Monaco dans une course très particulière, où il terminera deuxième derrière Michael Schumacher, dans une course où seules dix voitures virent le drapeau à damier.

L’année suivante est du même acabit pour le Brésilien, où il subit la défaillance de sa monoplace malgré quelques coups d’éclat. La solution arrive enfin en 1999 avec l’arrivée de Johnny Herbert comme coéquipier, alors que les Stewart peuvent enfin rivaliser avec les autres monoplaces dans de bonnes conditions. Barrichello saisit sa chance, avec trois podiums et une nouvelle pole position. L’équipe termine quatrième du championnat constructeur. Barrichello, quant à lui, termine 7ème du championnat pilote, lui donannt l’opportunité de signer chez Ferrari après son échec en 1996.

Le succès (très) mitigé chez Ferrari

En chassé-croisé avec Eddie Irvine qui rejoint Jaguar (ex-Stewart Grand Prix), Barrichello prend la place de son ancien coéquipier, avec à ses côté Michael Schumacher, dont les tifosi attendent beaucoup. Car avant de connaître son incroyable succès, Schumi n’avait encore rien accompli chez la Scuderia après quatre saisons. Pour sa première année, Rubinho est régulier et monte souvent sur le podium. Il reste tout de même un ton en dessous de son coéquipier allemand, et termine 4ème du championnat. Néanmoins, il va remporter son premier et plus beau succès cette saison, lors du Grand Prix d’Allemagne. Parti du fond de grille suite à des ennuis techniques en qualification, Barrichello profite d’une course controversée (à cause d’une météo capricieuse et de manifestants s’étant infiltré sur la piste), qui fut arrêtée durant quelques minutes. Il prend un pari risqué de rester en pneu secs malgré la pluie, lui offrant une victoire bien méritée. Sa saison 2001 est bonne avec 10 podiums, sans le moindre succès, et termine cette fois-ci 3ème du championnat pilote. 

Clairement dans l’ombre de Schumacher, Barrichello veut relever la tête en 2002, mais s’accroche dès le départ de la première course avec le frère de son coéquipier, Ralf, alors que le Brésilien partait en pole position. Pendant le reste de la saison, Ferrari ne lui donnera pas les armes pour faire face au Baron Rouge. Au Grand Prix d’Autriche, alors que le Brésilien s’apprête à signer son second succès en Formule 1, Jean Todt, directeur de la Scuderia, demande au numéro 2 de laisser Michael Schumacher le dépasser pour le championnat, alors que la firme italienne roule sans la moindre concurrence. Une polémique embrase alors le paddock, accusant Ferrari de truquer les résultats des Grands Prix par des consignes de course. Barrichello déclarera après sa carrière en F1 que Ferrari l’avait fortement menacé pour laisser passer son coéquipier. Schumacher lui rendra la pareille au Grand Prix des États Unis, et la FIA interdira les consignes de course après cette action. La saison 2002 reste la meilleure année pour Barrichello, où il signe quatres victoires et termine vice-champion derrière son coéquipier, qui reste intraitable avec 11 succès.

Le podium du Grand Prix d'Autriche 2002 fut considéré comme le podium de la honte. Les pilotes Ferrari furent hués par le public, après que Barrichello fut rétrogradé à la deuxième par son écurie.
Autriche 2002, un épisode douloureux pour le monde de la Formule 1 (©BelgaImage)

En 2003 et 2004, la Ferrari reste dominante, ce qui permet au Brésilien de signer quatre succès en deux ans, mais une nouvelle fois il est incapable de rivaliser sur une saison entière avec son équipier. Sa force est dans la capacité de développer la voiture, et sa loyauté sans faille envers la Scuderia. Cependant, malgré qu’il soit très apprécié aux yeux du public, les tifosi n’ont d’intérêt que pour Schumacher, et certains doute de la véritable entente entre les deux hommes. En 2005, après une année périlleuse pour la Scuderia où il décroche quatre podiums, Barrichello décide de s’en aller, n’honorant pas son contrat jusqu’au bout chez Ferrari. Il sera remplacé par son compatriote Felipe Massa.

La montée en puissance Honda / Brawn

En 2006, Barrichello prend la direction de Honda. Le choix pouvait s’annoncer judicieux au vu des résultats aux essais hivernaux, mais tout ne va pas se passer comme prévu. Dans une voiture peu performante, il ne signe pas le moindre podium, une première depuis 1998. Et la tendance ne va pas s’inverser. La saison suivante, il ne va même pas inscrire le moindre point pour la première fois de toute sa carrière. C’est très certainement la pire saison pour Rubinho, qui découlera sur une relégation vers Super Aguri, la petite sœur de Honda, pour épauler Takuma Sato. 

Mais 2008 va offrir un regain d’espoir pour Barrichello avec l’arrivée de son ancien directeur technique chez Ferrari, Ross Brawn. Bien que l’écurie reste parmi celles du fond de plateau, le natif de Sao Paulo va tirer son épingle du jeu en profitant de quelques opportunités qui lui permettront de retrouver le podium à Silverstone. Il marque 11 points, soit 8 de plus que son coéquipier Jenson Button. Cette saison va redorer l’image du pilote brésilien ainsi que son apport technique précieux pour l’écurie qui voulait se relancer.

Sa meilleure opportunité de remporter un titre de champion du monde fut finalement en 2009, malgré sa présence chez Ferrari durant les années de domination. Malheureusement pour Rubinho, Button prendra l'ascendant et remportera son seul titre de champion du monde.
Monza 2009, la dernière victoire de Rubens Barrichello en F1 (©Motor1Sport)

En 2009, avec l’arrivée de Brawn GP, c’est la renaissance pour l’écurie qui va vivre une saison de gloire. Une nouvelle aubaine pour Rubens qui va en profiter pour en signer deux nouvelles victoires et six podiums. Mais une nouvelle fois, le brésilien sera le numéro deux de son équipe. Malgré une saison pleine, Button se montre bien plus performant que lui, faisant retomber le Brésilien dans ce rôle de deuxième pilote qui lui colle à la peau. Barrichello a d’ailleurs déclaré plus tard, dans son podcast sur la chaîne de la Formule 1, que si Schumacher a repris la Formule 1 c’est parce qu’il a vu qu’il pouvait encore gagner des courses.

La fin chez Williams puis l’après-carrière

En 2010, Rubinho va une nouvelle fois changer de cap, et prendre la direction de Williams pour remplacer Nico Rosberg, parti chez Mercedes. Il va épauler l’espoir Nico Hülkenberg, sacré champion de GP2 en 2009. L’expérience du Brésilien doit servir au jeune Allemand à s’adapter et à développer la voiture. La monoplace n’est pas exceptionnelle mais Williams reste une bonne équipe de milieu de grille, permettant à Barrichello d’inscrire des points à de nombreuses reprises. Il signe même une belle quatrième position au Grand Prix d’Europe. Il surpasse facilement son coéquipier, inscrivant 47 points et terminant 10ème du championnat pilote, un résultat tout à fait honorable. 

Mais 2011 sera la dernière saison pour Barrichello. La Williams n’est pas du tout performante et fait partie des équipes luttant dans le bas de tableau, incapable de rivaliser et d’inscrire des points régulièrement. Rubens va donc arrêter sa carrière en Formule 1 sur une saison décevante. Williams étant en proie à des difficultés financières, le Brésilien sera remplacé par un de ses compatriotes d’un nom très connu dans le milieu, Bruno Senna, amenant avec lui d’importants sponsors.

Depuis 2012, Barrichello a touché à de nombreux championnats, sans jamais réellement s'imposer. Il continue de courir par amour pour le sport automobile plus que par recherche de résultats.
Barrichello en IndyCar (©Motor1)

Pour la suite de sa carrière, Rubinho choisi l’Indycar où il fait une saison en 2012. Rien de glorieux mais quelques bonnes performance en fin de saison, avec deux top 5 sur les trois dernières courses. Il termine 12ème du championnat. Il enchainera ensuite avec le Stock Car et l’endurance. Là encore, rien de concluant : le Brésilien reste dans le milieu de peloton. Encore aujourd’hui, il continue de conduire dans des catégorie locales au Brésil, mais uniquement pour son plaisir : l’amour de la course passe avant tout. Il prépare également la carrière de son fils, Eduardo « Dudu » Barrichello, qui roulait en USF2000 l’an passé, un championnat de monoplaces nord-américain.

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