Brawn GP : une seule année, mais quelle année !

Après une nouvelle saison âprement disputée entre Ferrari et McLaren en 2008, la F1 s’apprêtait à vivre une autre année rocambolesque. Avec une nouvelle réglementation aérodynamique et un retour aux pneus slick, la donne allait considérablement changer chez les top teams. Honda, très affectée par la crise des subprimes, souhaite se retirer de la compétition et se voit rachetée par Ross Brawn, le célèbre ingénieur de chez Ferrari. Très proche de Michael Schumacher, il va, grâce à son génie et sa capacité à innover, créer une écurie qui marquera à jamais l’histoire de la Formule 1.

En 2009, pour son tout premier Grand Prix, Brawn GP place ses deux monoplaces aux deux premières places. Un record qui sera très compliqué à aller chercher...
Ross Brawn, à droite, célèbre la victoire de Jenson Button en Australie. Il vient de réaliser l’un des exploits les plus improbables de l’histoire (©SkySports)

Ross Brawn : la tête pensante du projet

Directeur sportif chez Honda en 2008, Brawn saisit l’opportunité de racheter l’écurie nippone afin de créer la sienne : Brawn GP. Après de multiples négociations et arrangements, la BGP 001 sera équipée d’un moteur Mercedes et non d’un moteur Honda, comme ce fut initialement prévu. Le châssis reste cependant une amélioration de la Honda RA 109, homologué aux normes de la nouvelle réglementation. Tout comme le reste de la grille, l’équipe bénéficie du KERS, un système permettant d’avoir un boost de vitesse durant environ 6 secondes à chaque tour. Cependant, un détail va faire toute la différence : Ross Brawn et ses équipes vont intégrer un double diffuseur. Il s’agit d’un système qui permet l’accélération des fluides tout en réduisant la pression, ce qui permet d’accroître la vitesse en ligne droite sans handicaper l’aérodynamisme de la voiture. Une merveille technologique, qui provient du diffuseur qui a été créé dans les années 1990, également utilisé dans d’autres catégories telles que l’endurance ou le DTM. Brawn GP révolutionne ce système avec un accroissement du gain aérodynamique de 6% selon Bob Bell, le directeur technique de Renault en 2009.

Après de multiples tentatives de disqualification de Brawn par des écuries telles que Ferrari, BMW Sauber ou encore Renault, la FIA déclare le double diffuseur comme légal et autorisé d’un point de vue règlementaire avant la troisième manche du championnat, en Chine. Ce procédé sera par la suite intégré par la plupart des équipes du plateau, mais Brawn avait déjà une longueur d’avance considérable. On peut comparer l’intégration du double diffuseur avec le DAS qui fait aujourd’hui beaucoup débattre dans le monde de la Formule 1. Une innovation technologique très surprenante, qui inquiète la concurrence. Un sujet qui amuse Ross Brawn, aujourd’hui directeur sportif de la Formule 1.

Le double diffuseur de la BGP 001 a beaucoup fait parler en 2009, si bien que les rivaux voulaient prouver son illégalité. La FIA ne sera pas de cet avis, et Brawn GP bénéficiera de cet avantage pour le restant de la saison.
Le double diffuseur qui a tant fait parler en 2009 (©Twitter @andrea_gardenal)

Un duo de pilote redoutablement efficace

Brawn GP, pour sa première (et unique) saison en F1, avait misé sur la stabilité. En effet, le choix avait été de conserver le duo de pilote présent chez Honda en 2008, à savoir Jenson Button aux côtés de Rubens Barrichello. Pour le Brésilien, le choix semble être logique, lui qui a épaulé Michael Schumacher pendant six saisons et qui connaît très bien Ross Brawn. Pourtant, des rumeurs envoyaient son compatriote Bruno Senna dans l’écurie, ce qui n’a finalement pas été possible faute de budget et de sponsors. En revanche, pour Button, l’histoire aurait pu être bien différente. Après une saison 2008 extrêmement décevante, le voyant relégué à la 18ème place du championnat avec seulement trois petits points, son potentiel de futur grand pilote a été remis en question. En contact avec Williams et Toro Rosso (un choix qui semble invraisemblable au vu de son statut de pilote vainqueur d’un Grand Prix) et malgré des rumeurs concernant un retour de Michael Schumacher (très proche de Ross Brawn depuis leurs succès chez Benetton puis Ferrari), ou les tests de nombreux pilotes (dont Marcus Ericsson), Button consent à une baisse considérable de son salaire et est finalement conservé au sein de la structure de Brackley.

Ross Brawn fait confiance à ce duo de pilote qui s’entend très bien mais qui fait également de bons retours techniques afin d’améliorer la voiture. Button déclara d’ailleurs dans son livre que Barrichello est le meilleur metteur au point avec lequel il a travaillé dans sa carrière. Un choix qui s’avérera payant compte tenu du peu de temps de roulage dont a bénéficié l’équipe au début de saison. En effet, Brawn GP a officiellement été créée le 6 mars 2009, alors que la saison débutait le 27 mars. Ce qui n’a pas empêché l’écurie de faire une très forte impression, Barrichello et Button signant les deux meilleurs temps des essais hivernaux à Barcelone, avec près d’une seconde d’avance sur la concurrence.

Une saison couronnée de succès

C’est dans un climat hostile où le paddock entier est tourné vers Brawn GP, ne comprenant pas leur surcroît de performance, que la saison démarre à Melbourne. Le constat est sans appel puisque les monoplaces blanches frappées du seul logo Virgin monopolisent la première ligne. En course, Button s’envole. Pour Barrichello, la course est plus pénible. Après un départ difficile, il bénéficie d’un accrochage entre Vettel et Kubica en fin de Grand Prix pour assurer le premier doublé de l’histoire de Brawn GP, pour leur toute première course (ce qui est un record). Un succès historique qui laissa Ross Brawn sans voix, comme le rapportait Jenson Button après la course : «Vous ne voyez pas souvent Ross rester muet mais durant quinze minutes, je serais surpris qu’il ait dit un mot. Il est venu me voir et m’a fait un câlin d’ours. Comme Bigfoot. Sur le chemin du podium, il n’avait rien à dire. Le gros nounours était sans voix. C’était beau de voir que c’était une journée aussi émouvante pour lui que pour nous».

L'écurie entamait sa marche sur le championnat sans le moindre sponsor. Cela était dû au fait que Ross Brawn ne cherchait que des partenariats sérieux, sur le long terme.
Lors des essais hivernaux à Barcelone, la voiture est encore vierge de tout sponsor. Ross Brawn cherchait des partenaires sérieux, sur le long-terme (©DR)

Lors du deuxième meeting en Malaisie, Button signe une nouvelle pole position et s’impose dans une course qui n’ira même pas à son terme, marquée par une pluie torrentielle. Le début de saison est tonitruant de la part de Brawn. Jenson Button s’impose six fois lors des sept premières courses, avec cinq pole positions, ne laissant que les miettes à la Red Bull de Sebastian Vettel, son principal concurrent.  Une nouvelle fois dans sa carrière, Barrichello se retrouve dans la peau du deuxième pilote qui ne peut pas lutter face à un Jenson Button qui semble enfin démontrer tout le talent qu’on lui louait depuis sa formidable saison, en 2004.

Cependant, un coup d’arrêt va se profiler pour Brawn au tiers de la saison. En effet, après le Grand Prix de Turquie, Button ne parvient plus à monter sur la plus haute marche de la boîte et n’inscrit plus aucune pole position. Cet essoufflement peut s’expliquer par le fait que Brawn GP a dû limoger un bon nombre de personnes en cours de saison par manque de budget, et également par la préparation très prématurée de la BR 002 afin d’avoir un coup d’avance sur la concurrence pour la saison 2010. De plus, des mauvais choix de développement sont faits avant le Grand Prix de Grande-Bretagne, pénalisant la performance de la voiture. Pendant ce temps, les concurrents ont fait leur retard et ont intégré le double diffuseur sur leurs voitures, et Brawn GP se montre nettement moins dominant qu’auparavant, laissant le suspense entier pour la suite de la saison. 

En deuxième partie d’année, c’est le coéquipier de Button qui va briller. Rubinho va même signer deux victoires lors des Grand Prix d’Europe et d’Italie, ainsi qu’une pole position devant son public au Brésil. Un Grand Prix qui restera d’ailleurs dans l’histoire de Brawn GP car c’est à cette course que Button scellera définitivement son premier et unique titre de champion du monde. L’écurie arrive, quant à elle et en toute logique, première au championnat constructeur. Un doublé historique, puisque Brawn GP est la seule équipe de l’histoire de la Formule 1 à avoir raflé les deux titres de champion pour sa première année d’existence. 

Bilan et rachat de Mercedes

Après une saison prestigieuse couronnée de huit victoires, quinze podiums dont quatre doublés et cinq pole positions en dix-sept courses, Brawn a surpris tout le monde lors de sa première saison en tant que directeur d’écurie. L’équipe britannique fait tomber de nombreux records de précocité et se voit très attendue pour 2010, avec là aussi, de nombreux changements techniques.  Les rumeurs enflamment la grille, avec en point d’orgue le retour de Michael Schumacher, très attendu chez Brawn GP pour 2010. 

Brawn GP, c'est quatre doublés pour sa première saison en Formule 1. Un exploit qui ne sera probablement pas réalisé dans le futur de la discipline.
Brawn GP constitue sans doute l’un des résultats les plus inattendus de l’histoire (©DR)

En effet, le line-up de la saison 2009 est menacé puisqu’en décembre, Williams annonce avoir signé un contrat avec Rubens Barrichello. Jenson Button, champion du monde en titre, demande à revoir son salaire à la hausse au même niveau que ce qu’il était en 2008. Une offre que refuse Ross Brawn, obligeant le Britannique à trouver refuge chez McLaren Mercedes en remplacement d’Heikki Kovalainen. 

D’autres rumeurs envoyaient Kimi Räikkönen chez Brawn GP. En effet, désireux de quitter Ferrari, l’Iceman et son agent auraient fait une demande à Ross Brawn afin de le recruter pour deux saisons après le Grand Prix de Belgique qu’il avait remporté. Cependant, ce contrat (estimé à plus de 28 millions d’euros) a été refusé par Ross Brawn, bien que très attiré par le Finlandais. 

Les rumeurs s’intensifient donc autour de Nico Rosberg qui ferait le chemin inverse de Barrichello. Cependant, tout devient clair le 16 décembre 2009 lorsque Mercedes signe son grand retour en Formule 1, après avoir racheté l’écurie britannique à hauteur de 75%. Une aubaine pour Ross Brawn qui se voit nommé directeur exécutif de l’écurie et qui rappelle son vieil ami Schumacher pour conduire la future monoplace allemande. À ses côtés ,c’est bien Nico Rosberg qui partagera le garage. Un choix logique pour le constructeur allemand qui souhaite avoir deux pilotes locaux pour entretenir son image de marque. Depuis, le reste n’est qu’histoire pour les Flèches d’argent.

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