Comment la France a-t-elle raté son retour au calendrier de la Formule 1 ?

Il y a cinq ans, la France retrouvait son Grand Prix national, dix ans après avoir quitté Magny-Cours. Mais aujourd’hui, la manche hexagonale est déjà de l’histoire ancienne. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Sebastian Vettel (Ferrari), Grand Prix de France 2018 F1 au circuit Paul Ricard (Le Castellet).
Qui aurait cru, en 2018, que le retour du Grand Prix de France ne durerait que cinq ans ? (©P. Megel / Turn One)

Le Paul Ricard : pas le circuit dont la F1 avait besoin

Le choix du circuit pour retrouver la F1 était-il une erreur ? Sans doute pas. Le Groupe d’intérêt public (GIP) qui finançait le Grand Prix de France était constitué d’organismes locaux, comme la région PACA, et le circuit Paul Ricard s’avérait être la seule option. De plus, aucune autre piste en France ne semblait être en mesure de retrouver la F1, Magny-Cours étant la seule autre de Grade A (certification obligatoire pour accueillir la F1).

Cependant, ce n’est pas parce que le Paul Ricard était le seul circuit éligible qu’il s’agissait d’une bonne option. En 2018, ce sont les embouteillages et la gestion calamiteuse du trafic qui sont restés dans toutes les têtes des spectateurs, bien plus que le spectacle en piste. Le vendredi, les essais libres se déroulaient devant des tribunes presque vides, tandis qu’il fallait compter plusieurs heures pour quitter le parking dimanche après la course. Premier carton jaune pour le circuit.

L’expérience des fans a peut-être joué un rôle dans l’échec du retour du Grand Prix de France. Si le problème de la circulation a été nettement amélioré dès la saison suivante, celui des spectateurs restés chez eux n’a jamais vraiment été réglé. Pour un « nouveau » Grand Prix (entre guillemets, puisque le Paul Ricard avait déjà accueilli 14 Grands Prix entre 1971 et 1990), les premières courses sont capitales. Des éditions ratées, et les fans ne cacheront pas leur mécontentement sur les réseaux sociaux, devenus si chers aux yeux des propriétaires actuels de la F1.

Charles Leclerc (Sauber) au Grand Prix de France 2018 F1 au Paul Ricard (Le Castellet).
Penser que le Paul Ricard n’est pas un bon circuit de F1 est audible. Mais dire qu’il s’agit de l’un des pires à avoir accueilli la F1 relève d’un manque de connaissance de son histoire (©Sutton)

C’est précisément le cas de figure qui s’est déroulé avec Monaco. Les deux premiers Grands Prix au Paul Ricard post-2018 n’ont pas été spectaculaires, et de nombreux influenceurs (en particulier britanniques), adulés par cette nouvelle audience rajeunie de la F1, n’ont pas hésité à cracher sur l’épreuve. Encore récemment, le compte WTF1 (plusieurs millions d’abonnés cumulés) citait le Castellet parmi les pires circuits de l’histoire de la F1. Quiconque s’intéresse à ce sujet peut citer une dizaine de circuits bien pire que celui-ci…

Bien évidemment, ce n’est pas parce que quelques influenceurs ont critiqué le Paul Ricard que celui-ci a disparu. Mais la F1, qui s’est complètement digitalisée ces dernières années, a forcément eu écho des retours plus que négatifs du Grand Prix de France. Ces derniers étaient par ailleurs largement injustifiés, l’édition 2021 prouvant que ce circuit pouvait produire de belles courses. Cependant, le mal était fait. D’autres paramètres, comme la proximité géographique avec Monaco, ont certainement eu raison du Paul Ricard.

Une histoire politique

Si la France est absente du calendrier 2023 de la Formule 1, cela est dû aux politiques des parties prenantes. Souvenez-vous du Grand Prix d’Azerbaïdjan 2023, avec Jean Alesi aux commentaires. Devenu président du circuit Paul Ricard, l’Avignonnais n’avait pas manqué de critiquer le manque de soutien du gouvernement français pour son épreuve dans la discipline reine. Un discours soutenu en interview pour Eurosport :

« On a eu les cinq dernières années – à part l’année Covid bien sûr – un Grand Prix qui a eu beaucoup de succès, mais qui a été boudé par nos politiciens. Je ne parle pas de ceux de la région, parce que c’est grâce à eux que la F1 a pu revenir, mais de ne pas avoir un président aujourd’hui sur une grille de Formule 1, c’est mal vu. C’est normal, parce que quand vous allez sur n’importe quel Grand Prix, si vous n’avez pas le roi, pas le premier ministre, si vous n’avez pas le président, ça cloche. »

Jean Alesi est le président du circuit Paul Ricard.
Jean Alesi, président du circuit, regrette le manque de soutien du gouvernement (©Antoine Tomaselli / La Provence)

Si l’État a récemment déclaré vouloir soutenir un retour de la F1 en France, le train semble être déjà passé. De plus, la stratégie récente de la discipline n’est plus alignée avec un retour dans l’Hexagone. Trois manches aux États-Unis, multiplication des rendez-vous au Moyen-Orient, tentation de l’exotisme avec l’Afrique du Sud… Un retour en France paraît plus qu’inenvisageable, alors que les autres courses européennes sont elles-mêmes en danger. La France deviendra-t-elle la nouvelle Allemagne, qui a perdu son Grand Prix (pourtant un pilier du calendrier avec deux circuits mythiques) et, peu à peu, ses talents en sports mécaniques ?

Quelles chances pour revoir un Grand Prix de France de F1 à l’avenir ?

Soyons francs : les chances de voir un retour du Grand Prix de France dans un avenir proche sont minces. Cependant, des motifs d’espoir existent.

Tout d’abord, et comme évoqué précédemment, le gouvernement souhaiterait pousser pour un retour de la F1 dans le pays. Ce n’est un secret pour personne : Stefano Domenicali veut échanger à ce sujet avec le chef de la nation. « Plus que personne, je veux que votre pays revienne au calendrier mais il faut faire les efforts que les autres font », avait déclaré le PDG de la F1. « Il faut juste que chacun fasse des efforts. Mieux, il faut des interlocuteurs. Et pour l’instant, chez vous, nous n’en avons pas. Le jour où le président Macron me dit qu’il veut discuter pour parler du retour de la France, je viens. S’il veut discuter, je serai là dès qu’il le souhaite pour en parler. »

Stefano Domenicali, PDG de la F1, sur la grille du Grand Prix d'Azerbaïdjan à Bakou.
Stefano Domenicali, PDG de la F1, veut discuter avec Emmanuel Macron (©REUTERS)

Voir le président de la République s’entretenir à ce sujet, dans le contexte actuel, ne redorerait sûrement pas son image. Mais du point de vue de la F1, difficile d’imaginer Domenicali résister si l’interlocuteur de ses rêves lui expose des garanties. Affaire à suivre.

De plus, la perspective des épreuves alternées pourrait jouer en la faveur de la France. Dans un avenir proche, la Belgique et les Pays-Bas pourraient s’assurer un avenir en accueillant la F1 une année sur deux, à tour de rôle. Ce scénario pourrait bénéficier à la fois à la France, mais aussi à l’Allemagne ou à Monaco, le premier pays ayant perdu la F1, le deuxième étant régulièrement averti par le corps gouvernemental de la discipline.

Finalement, parlons de la France. Tout d’abord, le pays reste le berceau de la course automobile. Le terme « Grand Prix », utilisé même par les anglophones, vient de chez nous. C’est en France qu’a eu lieu la première course automobile en 1894, et il en va de même pour le premier Grand Prix, organisé en 1906 au Mans. Le Mans, c’est d’ailleurs le lieu de la course la plus prestigieuse de la planète avec Indianapolis et Monaco… Et c’est aussi là qu’a eu lieu en octobre dernier le GP Explorer, qui prouve que toutes les générations sont présentes et actives pour faire vivre le sport automobile.

La France mérite son Grand Prix, cela ne fait aucun doute. Les moyens peuvent être mis pour retrouver la F1. Mais d’ici là, la tâche paraît colossale…

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