Qui était Gilles Villeneuve, le chouchou de Ferrari jamais titré ?

Gilles Villeneuve fait indéniablement partie des pilotes qui ont marqué Ferrari et l’histoire de la Formule 1. À l’instar de Jean Alesi, il n’est pas obligatoire de devenir champion du monde avec le cheval cabré pour en devenir une icône. Grâce à son talent naturel, son sourire et sa générosité, Gilles Villeneuve est devenue une légende de Ferrari et le chouchou de nombreux tifosis.

Gilles Villeneuve au volant de sa Ferrari au Grand Prix de Monaco
Accompagné de son numéro 27 devenu mythique, Gilles Villeneuve a marqué des générations (©Motorsport Images)

Une arrivée en F1 inattendue

Gilles Villeneuve n’a que très peu de liens avec la Formule 1 dans sa jeunesse : il est passionné par les bolides mais étant Canadien, il se plaît à concourir sur des motoneiges, discipline dans laquelle il devient d’ailleurs Champion du monde au début des années 1970. Tout change pour lui quand il découvre la Formule Atlantique. Il domine la saison 1976, mais surtout, il surclasse bon nombre de pilotes de Formule 1 qui aiment se risquer sur ce championnat nord-américain. Alan Jones et James Hunt, deux futurs Champions du monde de Formule 1, en sont les parfaits exemples : ils termineront à 10 et 15 secondes du Canadien, intraitable, lors du Grand Prix de Trois-Rivières chez lui au Canada.

Son pari est réussi, puisqu’il fait forte impression auprès des directeurs d’écuries de Formule 1. Le jeune Villeneuve se retrouve presque propulsé dans cette discipline européenne mais déjà, il concurrence les plus grands. McLaren choisit le Canadien pour des tests mais finalement, ce sera Enzo Ferrari qui fera appel à Gilles Villeneuve en 1977 suite au départ précipité de Niki Lauda. Il voit dans le Canadien l’homme parfait pour remplacer l’Autrichien. Doté d’une grande élégance et d’un coup de volant sensationnel, il est l’homme idéal pour Ferrari.

Un pilote dévoué et talentueux

Sa véritable première saison débute en 1978 chez Ferrari. Face à un Carlos Reutemann déjà en place et expérimenté, Gilles Villeneuve est d’ores et déjà en difficulté à son arrivée. Les médias italiens réclament son remplacement mais le Canadien, face à une pression médiatique extrême, va peu à peu prendre ses marques au sein de Ferrari. À la fin de l’année, il prouve aux médias et à Enzo Ferrari qu’il a sa place dans l’équipe en remportant son Grand Prix national à Montréal. La machine est lancée.

Gilles Villeneuve célèbre sa victoire au Grand Prix du Canada à Montréal
Gilles Villeneuve célèbre sa victoire à domicile (©La Presse / Pierre McCann)

En 1979, c’est l’année de confirmation. Reutemann en partance pour Lotus, c’est le Sud-Africain Jody Scheckter qui rejoint Villeneuve chez Ferrari. Le début de saison est parfait pour le Canadien, qui s’impose en Afrique du Sud et aux États-Unis. Il prend les commandes du Championnat du monde. Les Ferrari sont seules au monde dans cette course à la victoire et par conséquent, la bataille pour le titre se joue en interne. Scheckter se révèle d’une grande constance en course, alors que la fougue de Villeneuve lui fait parfois défaut.

Le Sud-Africain prend les commandes du championnat devant le Canadien et remporte le titre en fin de saison. Pour Gilles Villeneuve, le talent au volant était présent : c’était sûrement l’expérience et le calme en course qu’il lui manquait. Sa grande générosité lui a parfois joué des tours. Néanmoins, grâce à ces qualités, il a marqué l’histoire de la Formule 1 avec René Arnoux au Grand Prix de France. Pour la deuxième place du Grand Prix, les deux amis vont se livrer une bataille dantesque à la limite du raisonnable. Certes, ce fut un duel pour la deuxième place mais encore considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands de l’histoire de la Formule 1. Gilles Villeneuve, c’était ça.

Sa relation avec Didier Pironi

Après une saison 1980 catastrophique, Ferrari est en reconstruction et fait appel au Français Didier Pironi. En 1981 il y a du mieux et Gilles Villeneuve s’impose d’une manière magnifique à Monaco et en Espagne, et la relation avec Didier Pironi semble excellente. Malgré la concurrence en piste, les deux sont profondément amis.

Mais leur amitié bascule le 25 avril 1982 lors du Grand Prix de Saint-Marin, sur le tracé d’Imola. Les deux pilotes vont se retrouver en tête de la course et s’attaquent à tour de rôle. Quand Villeneuve est en tête, Pironi l’attaque, et vice-versa. Mais à 11 tours de la fin de la course, Villeneuve repasse Pironi et Ferrari décide qu’il faut mettre un terme à cette bataille. L’écurie brandit le panneau « slow », qui signifie que les positions sont figées jusqu’à la fin de la course, avec Villeneuve en tête devant son coéquipier Pironi. Toutefois ce dernier n’applique pas les consignes de Ferrari et attaque de nouveau le Canadien. La situation est incompréhensible et Villeneuve croit à un jeu de la part de son ami. Or, il n’y a aucun jeu de la part du Français et Gilles Villeneuve devient nerveux.

Il réussit à reprendre la tête de la course dans l’avant-dernier tour mais dans un dernier élan, Pironi le dépasse une dernière fois dans l’épingle de Tosa, dans le dernier tour de course. C’est bien le Français qui passe le drapeau à damier devant le Canadien après avoir ignoré la consigne d’équipe. Gilles Villeneuve se sent trahi. Son visage se ferme lors du podium et il commence à s’enfermer dans une haine profonde contre Didier Pironi. Ce jour-là, leur relation amicale change complètement. Ce 25 avril, le destin de Gilles Villeneuve a peut-être déjà basculé.

Zolder 1982 : Villeneuve a tué Gilles

Gilles Villeneuve a dit cette phrase : « être deuxième, c’est être le premier des derniers. » Jamais elle n’avait eu autant de sens que ce week-end de mai 1982. Cette année-là, il aurait pu se battre pour le titre, mais le pilote était obnubilé par ce coup de poignard de la part de Didier Pironi. La pole position du Grand Prix suivant, à Zolder, Gilles Villeneuve n’en a que faire. Son seul souhait est de battre Didier Pironi. Il ne pense qu’à l’humilier.

Gilles Villeneuve est encore l'un des pilotes favoris dans des fans de Ferrari, 40 ans après sa mort
Aimé par tous, Gilles Villeneuve était devenu plus qu’un pilote (©Corriere)

Le samedi 8 mai lors de la seconde séance de qualifications, Villeneuve est très remonté. Il est derrière Pironi pour 0″115 quand Ferrari lui demande de rentrer aux stands. C’était à prévoir, mais le Canadien ne rentre pas malgré des pneus qui sont à l’agonie. Alors, fidèle à lui-même, Villeneuve s’élance pour un nouveau tour, mais c’est déjà trop tard, tout le monde sait que c’est de la folie. 

Le pilote Jochen Mass va se trouver sur la trajectoire du Canadien, ou plutôt d’un fou, car à ce moment, Gilles n’est déjà plus lui-même. Avec sa Ferrari, il ne prend pas la trajectoire idéale à l’intérieur du virage mais se porte à l’extérieur, l’endroit où Mass s’est rangé pour ne pas le gêner. Mais même avec toute la bonne volonté du monde, il ne pouvait pas prédire que Villeneuve allait prendre le virage différemment. Le Canadien vient percuter la voiture devant lui. La Ferrari n°27 est en perdition : elle se cabre et part en tonneau contre le rail avant de s’écraser au sol après plusieurs rebonds. Mais l’effroyable n’est pas ici. Avec la violence du choc, Gilles Villeneuve est détaché de sa voiture et projeté dans les filets de protection 10 mètres plus loin. La scène est d’une terrible violence.

Malgré l’arrivée rapide des médecins, l’état de Gilles Villeneuve est plus que critique. Il est branché sur un appareil respiratoire qui le maintient en vie mais à ce moment, Gilles est déjà parti. Sa femme fait le déplacement et autorise le débranchement de l’appareil respiratoire, mettant fin à la souffrance du pilote. À 21h12, Gilles Villeneuve s’en va rejoindre les étoiles. Sa mort, comme un symbole d’une vie généreuse, folle, que l’on aime et que l’on déteste aussi. Gilles Villeneuve sera resté lui-même en toutes circonstances et c’est peut-être cette caractéristique qui fait de lui une légende de Ferrari.

Charles Leclerc dans la F1 Ferrari 312T4 de Gilles Villeneuve
Charles Leclerc à bord de la Ferrari 312T4 de Gilles Villeneuve, perpétuant le mythe (©Motorsport Images)

Son fils Jacques Villeneuve, Champion du monde en 1997, reviendra sur ce printemps 1982 désastreux : « Ça n’a jamais été un choix de Didier Pironi de mettre mon père en danger. Quelque part, il n’y était pour rien. C’est mon père qui s’y est mis tout seul. » Comme les journaux canadiens l’avaient titré une fois, c’était la « fièvre Villeneuve. » Jamais Enzo Ferrari n’avait vu un pilote autant déterminé que Gilles, frôlant même la folie bien souvent, mais après tout, c’est pour cela qu’il l’avait choisi. Ce 8 mai 1982, le monde de la Formule 1 aurait préféré que Villeneuve mette de côté sa folie. Mais on ne refait pas l’histoire. Elle nous aura montré le génie et la générosité de Gilles ainsi que l’obstination de Villeneuve.

Le week-end prochain, la Formule 1 se rend à Montréal pour y disputer le Grand Prix du Canada. Les pilotes se disputeront la victoire sur le circuit Gilles Villeneuve, comme pour nous rappeler que le Canadien est éternel.

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