Alors qu’il ne reste qu’une livrée à découvrir en 2023 (celle d’Alpine, que vous avez sans doute déjà vue avec des « photos volées »), les neuf présentations passées nous ont apporté quelques enseignements sur les directions que prennent les équipes.

Les écuries grattent la peinture
Cela ne vous a pas échappé : les monoplaces dans leur version 2023 arborent beaucoup plus de noir que l’an dernier. Pas une seule écurie n’a proposé une livrée entièrement peinte. Parmi elles, Mercedes a été la plus extrême avec une W14 toute noire, où seuls le haut du museau et le capot ont été peints. Le reste ? De la fibre de carbone apparente, qui baisse le poids de la voiture.
Selon les dires du team manager d’Alfa Romeo Beat Zehnder, le poids total de la peinture sur une F1 représente 6 kilos. Depuis l’introduction de la nouvelle règlementation en 2022, les écuries ont eu du mal à flirter avec le poids minimal de 798 kg. Dès l’an dernier, de nombreuses écuries ont gratté la peinture, comme la Williams qui troquait sa belle robe bleue pour un design majoritairement noir en fin d’exercice.
Reste à savoir jusqu’où les écuries sont prêtes à aller pour avoir des monoplaces plus légères. La peinture est-elle vouée à disparaître ? Une écurie osera-t-elle proposer un concept où seule la fibre de carbone est visible ? Ce scénario est improbable compte tenu des enjeux marketing (voir ci-dessous). Cependant, il va certainement falloir s’habituer à voir des monoplaces de plus en plus sombres.
Sculptage des pontons : Alpine avait vu juste
L’apparition du noir carbone est un aspect esthétique que tout le monde a remarqué. Mais si l’on se penche du côté de la technique, quelle direction les écuries ont-elles pris ?
L’élément qui a fait le plus de bruit est celui des pontons. Parmi tous les concepts visibles l’an dernier, celui qui semble avoir été le plus repris pour 2023 est signé Alpine, avec des pontons relativement larges qui retombent rapidement (afin de créer le mouvement de downwash qui vient aplatir le flux d’air). Ce concept, également similaire chez Red Bull, a trouvé du succès auprès d’Alfa Romeo, McLaren ou bien encore Aston Martin. S’agit-il de la bonne voie à suivre ? Seule la piste nous le dira.

Vers une uniformisation des concepts
Il fallait s’y attendre : si 2022 était la saison de la révolution, les acteurs de la discipline ont pu s’observer pour s’inspirer des autres monoplaces. Les F1 présentées pour 2023 reprennent les bases de l’an dernier, tout en incluant des idées chipées à droite et à gauche afin de mettre au point la voiture la plus compétitive possible. Si la hiérarchie ne devrait pas vraiment bouger, on observe des changements de philosophie dans plusieurs équipes.
Prenons le cas de Mercedes, qui s’était montrée très audacieuse en 2022 avec son concept « zéro-ponton ». Avec sa W14, qui sera encore amené à évoluer, l’Étoile a fait un choix moins extrême en élargissant ses pontons, tout en sculptant le capot moteur pour y inclure une petite « baignoire » propre à Ferrari l’an dernier. Le constat est similaire chez Aston Martin. En parlant des Britanniques de Silverstone, ceux-ci s’étaient démarqués avec un design d’aileron très particulier en 2022, où le nez était surélevé. Une fois de plus, cette spécificité s’est effacée au profit d’un aileron beaucoup plus standard par rapport au reste de la grille.
Comme attendu, la pluralité des choix de développement des monoplaces disparaît peu à peu avec le temps. Toutes les monoplaces ne sont pas les mêmes, loin de là : des concepts différents restent visibles en tous points. Mais il est normal de voir des voitures se ressembler de plus en plus à mesure qu’une règlementation vieillit. Ce phénomène est tout à fait naturel et logique, mais dommage pour les amoureux de technique qui appréciaient de voir des monoplaces toutes plus différentes les unes que les autres.

L’image de marque, plus importante que jamais
De nombreux fans se sont également montrés exaspérés de voir si peu de changement au niveau des livrées. Les Williams, Red Bull, McLaren, Aston Martin, AlphaTauri, Ferrari et Alpine (selon les images volées) ont très peu changé. Haas voit arriver un peu plus de noir, Alfa Romeo a troqué le blanc pour le noir également, et seule Mercedes a totalement troqué sa base. Encore une fois, cela est normal !
Pour une écurie, il est important de bâtir une image de marque et une identité forte. Un fan inconditionnel de F1 fera immédiatement la différence entre une Red Bull et une AlphaTauri, mais cela n’est pas forcément le cas pour quelqu’un qui suit de loin. Il est alors important de devenir facilement reconnaissable afin qu’une voiture (et donc, ses sponsors) gagnent en notoriété. La pire chose à faire pour fonder une identité forte est de changer de livrée chaque année, comme a pu le faire Williams entre 2019 et 2022. La saison dernière était l’occasion de changer de design avec une révolution règlementaire, mais 2023 ne présentait pas d’argument suffisant pour procéder à de gros changements (si ce n’est l’arrivée de sponsors titres).
Pouvons-nous imaginer des clubs de football légendaires changer de couleurs de maillots ? Voyez-vous le Real Madrid abandonner le blanc, le FC Barcelone son look « blaugrana », ou en France, le FC Nantes jouer dans une autre tenue que la jaune ? Non, car ceux-ci possèdent une identité forte. Il n’est pas possible d’imaginer une Ferrari verte, une Aston Martin jaune ou une Alpine rouge. Et en 2023, la seule écurie à avoir modifié son thème (Mercedes) a brillamment justifié son choix. Gratter la peinture blanche a donné naissance aux Flèches d’argent dans les années 1930 : en retirant la peinture aujourd’hui, l’Étoile fait un joli clin d’œil à son passé.

Une lutte toujours plus indécise
Il y a l’esthétisme des voitures, il y a la technique, mais il y a aussi les paroles ! Bien évidemment, le lancement d’une saison est l’occasion de brosser les sponsors et les dirigeants dans le sens du poil, mais force est de constater que les optimistes sont nombreux en ce début d’année.
Outre McLaren qui semble être sur la réserve, le reste de la grille a placé de fortes attentes pour ce nouvel exercice. Bien sûr, certains sont plus mesurés que d’autres : les pilotes Ferrari se montrent confiants envers le département moteur qui s’est occupé de la fiabilité, alors que toute l’écurie Aston Martin reçoit les éloges de Fernando Alonso. Dans l’ensemble, le discours est le même : le ressenti sur simulateur vient corriger les points faibles du passé. Mais il n’existe qu’une seule vérité : celle de la piste. Rendez-vous le 5 mars à Bahreïn pour la première des 23 explications qui auront lieu cette année.